Rupture

En cette année 2020, un second arrêt de la Cour de cassation rendu en matière de procédures collectives mérite également notre attention (pour le 1er, voir « Liquidation judiciaire: le salarié licencié peut se prévaloir d’une faute de l’employeur« ).

En effet, le 5 novembre 2020 (Cass. civ. 2e, 5 novembre 2020, n°19-17164), la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence sur la question de la portabilité des régimes de prévoyance et de frais de santé au bénéfice des salariés licenciés par une entreprise placée en liquidation judiciaire.

En effet, dans cet arrêt, l’assureur soutenait que le régime de portabilité des droits ne pouvait s’appliquer en cas de liquidation judiciaire de l’adhérent.

La Cour de cassation rappelle à cette occasion que les dispositions relatives au maintien à titre gratuit des droits des anciens salariés chômeurs indemnisés :

  1. sont d’ordre public (CSS, art. L. 914-1)
  2. n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
  3. ne prévoient aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d’une liquidation judiciaire de leur ancien employeur.

Elle considère par conséquent qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Ainsi, selon la Haute juridiction, dès lors qu’il existe un contrat de complémentaire santé et prévoyance au jour où le licenciement du salarié est intervenu (seule condition exigée par la loi), ce salarié peut prétendre au maintien à titre gratuit de ces couvertures et les assureurs ne peuvent lui refuser cette garantie en arguant de la résiliation du contrat ou du défaut de paiement des cotisations.

Pour mémoire, dans un avis de 2017 (Cass. avis, 6 nov. 2017, n° 17015), la Cour de cassation avait déjà considéré que le maintien des garanties de prévoyance visé à l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale s’appliquait aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire., Mais elle tempérait sa position en précisant que le maintien des droits impliquait que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur n’ait pas été résilié.

En 2018, la Cour de cassation avait confirmé cet avis en ajoutant une précision importante : la portabilité étant financée par une mutualisation des cotisations des salariés actifs et de l’employeur au sein du régime collectif, le maintien des droits implique que le contrat ou d’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié ou qu’il prévoit un dispositif de financement de la portabilité en cas de liquidation judiciaire. A défaut, le maintien des garanties frais de santé et de prévoyance était exclu (Cass. civ. 2e, 18 janv. 2018, n° 16-27.332). Cette position a d’ailleurs été reprise par le Ministre de la santé et des solidarités dans une réponse ministérielle du le 14 avril 2020 (Rép. min. n° 504 JOAN Q, 14 avr. 2020).