Protection sociale

L’URSSAF a récemment mis à jour sa fiche relative aux frais professionnels, et plus particulièrement dans sa partie « Télétravail ».

EXONERATION DE L’ALLOCATION FORFAITAIRE « TELETRAVAIL »

La mise à jour porte sur la question de l’allocation forfaitaire. L’URSSAF considérait déjà que, lorsque le salarié en situation de télétravail engage des frais, et que l’employeur lui verse une allocation forfaitaire, celle-ci est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales. Cette exonération est couverte par une limite globale de 10 € par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine (20€ pour 2 jours par semaine, 30€ pour 3 jours, etc.).

La nouveauté, introduite lors de la mise à jour par l’URSSAF, porte sur une éventuelle allocation forfaitaire conventionnelle. L’URSSAF indique que, lorsque l’allocation forfaitaire est prévue par accord (de branche, professionnel ou interprofessionnel ou de groupe), elle est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des montants prévus par l’accord, dès lors que l’allocation est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés.

Remarque :

Il est ajouté par l’URSSAF que lorsque le montant versé par l’employeur dépasse les limites prévues, l’exonération de charges sociales pourra malgré tout être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié.

POSITION DE L’URSSAF, ABSENCE D’OBLIGATION

Cette position de l’URSSAF n’entraîne bien entendu pas d’obligation de verser une allocation forfaitaire. Rappelons à cet égard que le code du travail n’impose plus d’indemnisation depuis 2017 (ord. n°2017-1387 du 22 septembre 2017 – art. 21), alors qu’il le prévoyait antérieurement (C. trav., art. L. 1222-10 anc.).

De même, si l’article 3.1.5 de l’ANI du 26 novembre 2020 dispose que « le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail » et donc y compris en cas de télétravail, ce principe ne conduit qu’à l’attribution éventuelle d’une allocation (3ème alinéa de l’art 3.1.5 : « L’allocation forfaitaire versée, le cas échéant, par l’employeur pour rembourser ce dernier est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des seuils prévus par la loi. »), ce qui suppose en tout état de cause, bien entendu, que le salarié engage effectivement des frais en raison du télétravail.

ET LES TICKETS RESTAURANTS ?

Il en va de même par exemple pour les titres-restaurant. Il n’existe effectivement aucune prescription légale ou règlementaire imposant l’allocation de tickets-restaurant aux salariés placés en situation de télétravail. L’URSSAF a publié une position contraire, sans valeur juridique, pouvant laisser entendre que les télétravailleurs auraient droit aux titres-restaurant, si des titre-restaurant sont octroyés dans l’entreprise (« si les salariés de l’entreprise bénéficient des titres-restaurants, il en est de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite »).  Sans le dire expressément, l’URSSAF semble invoquer le principe d’égalité de traitement.

En réalité, cette position de l’URSSAF est juridiquement infondée et s’appuie sur une interprétation erronée du principe d’égalité de traitement. Les salariés en situation de télétravail doivent bénéficier d’une égalité de traitement par rapport à ceux travaillant « en présentiel ». Toutefois, cela ne vaut que lorsque les salariés sont placés dans une situation identique/comparable. Dans la mesure où, au regard de l’objet du TR – indemniser le surcoût lié à la restauration extérieure au domicile -, les salariés en télétravail sont placés dans une situation radicalement différente de celle des salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise, un traitement différencié peut se justifier, sans violation du principe d’égalité.

Plusieurs juridictions ont pu considérer qu’il existait des éléments objectifs et pertinents pour différencier les télétravailleurs des autres salariés

Selon les critères posés par la Cour de cassation, plusieurs juridictions ont ainsi pu considérer qu’il existait des éléments objectifs et pertinents, pour différencier les télétravailleurs des autres salariés. Ainsi, la Cour d’appel de Riom (CA Riom, 4e ch. civile et sociale, 4 décembre 2018, n° 17/0046) a considéré que les télétravailleurs ne peuvent alléguer un droit aux titres-restaurant : « M. S. travaillant à son domicile n’engageait aucun frais supplémentaire et l’employeur justifie ainsi que la différence de traitement entre les salariés repose sur une raison objective ».

De même, repose également sur une raison objective la différence de traitement entre salariés résultant du fait que l’employeur ne fait pas bénéficier de titres-restaurant ceux dont le domicile est situé à moins de 10 minutes de leur lieu de travail, ce faible temps de trajet permettant sans difficultés aux salariés de regagner leur domicile pour le déjeuner (CA Nîmes, 27 mars 2012, n° 10-04144, ch. soc., S. c/ SARL Cabinet Avril).

La Cour de cassation a même jugé (Cass. Soc., 13 janvier 1999, n°97-40.186) que les salariés (des pigistes en l’occurrence) qui effectuaient leur travail à leur domicile ne pouvaient obtenir l’attribution de titres restaurant (contrairement aux salariés qui se rendent quotidiennement sur leur lieu de travail).

Dans le cadre du recours au télétravail, il appartient donc à chaque entreprise de définir ses propres règles.