Statut collectif

Depuis la réforme législative de juin 2013, le contenu d’un PSE peut être arrêté par un accord collectif négocié avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, ou par un document unilatéral de l’employeur, qui fait l’objet d’une information/consultation préalable du comité social et économique.

Dans un jugement en date du 24 décembre 2020, le Tribunal Administratif de Rouen (TA Rouen, 24 décembre 2020, n°2003814) répond à la question de savoir si, en cas d’échec des négociations menées avec les organisations syndicales portant sur le contenu du PSE, l’employeur peut présenter à l’homologation de la Direccte un document unilatéral moins favorable revenant en partie sur le niveau des mesures qu’il était prêt à consentir à l’occasion des négociations.

En l’espèce, les CSE et organisations syndicales faisaient notamment valoir la déloyauté de l’employeur dans la conduite des négociations pour obtenir l’annulation de la décision d’homologation du document unilatéral.

Les faits 

Des négociations se sont ouvertes entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives en vue de la conclusion d’un accord majoritaire portant sur le PSE. Les négociations ayant échoué, l’employeur a établi un document unilatéral qui a – au terme de la procédure d’information-consultation – été homologué par la DIRECCTE.

Certaines des mesures contenues dans le document unilatéral étant moins favorables que celles que l’employeur avait proposées dans le cadre des négociations du PSE, le CSE central, le CSE d’établissement et les organisations syndicales ont saisi le Tribunal Administratif pour faire annuler la décision d’homologation de la DIRECCTE.

Quels étaient les arguments des requérants ?

Les requérants soutenaient notamment que :

  • l’employeur aurait commis un abus de droit en présentant à l’homologation un document unilatéral ne reprenant pas l’intégralité des mesures qu’il était prêt à concéder dans le cadre d’un accord majoritaire ou prévoyant des mesures moins favorables que ses dernières propositions ; par ce biais, il aurait tenté de forcer les organisations syndicales à signer un accord majoritaire ;
  • les principes de loyauté et de proportionnalité du plan au regard des moyens financiers du groupe interdisent à l’employeur de prévoir dans un document unilatéral des mesures moins favorables que celles proposées dans le cadre d’un précédent PSE ayant donné lieu à un accord collectif, ou dans le cadre des négociations ;
  • les mesures contenues dans le PSE établi dans le cadre du document unilatéral n’étaient pas suffisantes au regard des moyens financiers du groupe puisque l’employeur était prêt à consentir des mesures plus favorables en cas de signature d’un accord.

La réponse du Tribunal administratif

Le Tribunal Administratif rappelle que :

  • la DIRECCTE n’a pas à étudier la régularité des négociations ayant pu intervenir entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives, mais n’ayant pas abouti, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document unilatéral ;
  • Aucune disposition légale, ni aucun principe n’impose à l’employeur d’établir un document unilatéral contenant au minimum les mesures qu’il s’était dit prêt à accepter dans le cadre de la conclusion d’un accord collectif majoritaire ;
  • Le fait que le PSE contenu dans le document unilatéral ne reprenne pas certaines mesures proposées en dernier lieu dans le cadre des négociations avec les organisations syndicales, n’est pas de nature à caractériser l’insuffisance du PSE, dès lors que les mesures concernées restent limitées au regard de la population concernée par le PSE et que celuici comporte bien des mesures précises et concrètes de nature à faciliter le reclassement du personnel et à limiter le nombre de licenciements.

Quelles conclusions en tirer ?

Sur le sujet de la loyauté dans les négociations, le Tribunal Administratif énonce que l’employeur ne commet aucun abus de droit quand bien même les mesures contenues dans le document unilatéral sont pour certaines moins favorables que celles qu’il était prêt à concéder dans le cadre des négociations.

Autrement dit, l’employeur n’a pas à reprendre dans un document unilatéral ses dernières propositions. C’est conforme au principe de la liberté contractuelle. Décider le contraire reviendrait à imposer à l’une des parties de s’engager lorsque l’autre partie n’a pas accepté ses dernières propositions.

Le Tribunal apporte toutefois une précision importante : si l’employeur n’est pas tenu de reprendre dans son document unilatéral les concessions faites lors des négociations, il doit néanmoins présenter un PSE de niveau suffisant au regard des exigences légales. La « copie » du document unilatéral doit donc rester cohérente avec les moyens financiers de la société et du groupe auquel elle appartient.

Cette décision est à saluer tant elle parait conforme aux principes élémentaires de la négociation collective. Avec une décision en sens contraire, les employeurs auraient pu se montrer à l’avenir beaucoup plus réticents à négocier le contenu du PSE avec les organisations syndicales, s’il existait un risque pour eux de devoir maintenir l’ensemble de leurs propositions dans le cadre d’un document unilatéral à défaut d’aboutissement du processus de négociation.