Rupture

De multiples considérations peuvent conduire une entreprise à privilégier la recherche d’un accord afin de mettre un terme à un litige avec un salarié.

Si s’entendre sur les termes structurants de l’accord constitue la phase la plus consistante du processus de négociation, la formalisation de l’acte juridique destiné à lui donner corps est au moins aussi importante. Car il ne sert à rien de négocier âprement si le résultat de cette négociation n’est pas fidèlement rapporté dans un acte garantissant aux parties à la fois l’exécution des engagements réciproquement consentis et la sécurité juridique attendue, notamment par l’employeur, en contrepartie du « prix » payé : que cet accord mette fin, une fois pour toutes, à tout contentieux.

La Transaction, le cadre le plus utilisé

La transaction constitue, de loin, le cadre le plus utilisé pour clore un litige.

L’article 2044 du Code civil la définit comme « un contrat [rédigé par écrit] par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

Le champ d’application de la transaction est large ; celle-ci peut aussi bien porter sur un différend survenant au cours de la relation de travail, et touchant donc à l’exécution du contrat (harcèlement, discrimination, manquement à l’obligation de sécurité…) que sur un désaccord lié à la rupture. La transaction peut être conclue sans qu’il soit nécessaire que le salarié ait préalablement saisie les juridictions ; il suffit qu’un litige existe, et qu’il puisse en être justifié. Elle peut aussi intervenir en cours d’instance judiciaire, à tout stade de la procédure.

S’il a un temps été jugé que la transaction n’avait d’effet extinctif qu’à l’égard des points de litige ayant justifié sa négociation, la Cour de cassation admet désormais plus largement  qu’elle puisse aussi emporter renonciation définitive du salarié à contester d’autres éléments touchant à sa relation contractuelle, sous réserve d’une rédaction appropriée. L’enjeu pour l’employeur est majeur car en versant une indemnité transactionnelle mettant fin à la contestation d’un licenciement, il ne s’attend pas à voir le salarié « réapparaître » quelques temps plus tard, sollicitant cette fois-ci le paiement d’heures supplémentaires, d’éléments variables de rémunération ou encore la réparation d’un préjudice lié à une exécution prétendument fautive de son contrat de travail. Or, seule une formulation suffisamment précise est susceptible d’apporter cette sécurisation, excluant donc le recours à des clauses-types trop générales (sur ce thème, voir notamment « Vrai ou faux : une transaction bien rédigée me protège-t-elle de toute action ? » ainsi que « La transaction peut-elle englober la clause de non-concurrence même si elle ne la mentionne pas ?« )

Le PV de conciliation, de nombreux avantages

L’évolution des normes juridiques a conduit à redonner quelques lettres de noblesse à un autre réceptacle de l’accord trouvé avec un salarié : le procès-verbal de conciliation, établi devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes (CPH).

Ce renouveau, certes relatif mais réel, du PV de conciliation est notamment venu de la conjonction de deux phénomènes :

  • l’abaissement progressif du plafond d’exonération sociale des indemnités de rupture, lequel est désormais au maximum de 2 PASS (soit 82.272 € pour l’année 2021). Ce plafond devant être apprécié en tenant compte de l’éventuelle indemnité de licenciement déjà versée, la quote-part d’indemnité transactionnelle exonérée de charges sociales (mais néanmoins soumise à CSG et CRDS) peut rapidement être atteinte.
  • l’allongement du différé d’indemnisation spécifique Pôle Emploi, calculé en fonction du montant des indemnités supra-légales de rupture et pouvant aller jusqu’à 150 jours, conduisant pour le salarié à « perdre » là le bénéfice d’une partie de l’indemnité transactionnelle perçue.

Or, le régime juridique spécifique de l’indemnité forfaitaire de conciliation lui confère des avantages dont ne dispose pas l’indemnité transactionnelle « classique » :

  • d’une part, et dans la limite du barème forfaitaire de conciliation fixé par l’article D. 1235-21 du Code du travail, l’indemnité de conciliation est exonérée de CSG et de CRDS, là où l’indemnité transactionnelle de rupture y est assujettie (les autres limites d’exonération sociale demeurent en revanche applicables, notamment le plafond des 2 PASS) ;
  • d’autre part, le montant de l’indemnité forfaitaire de conciliation n’est pas pris en compte dans le calcul du différé d’indemnisation spécifique Pôle Emploi.

L’indemnité forfaitaire de conciliation ne couvre en principe que le litige afférent à la rupture du contrat de travail. Afin de purger tout contentieux né ou à naître portant sur les autres aspects de la relation contractuelle, les praticiens se doivent donc de prévoir des rédactions adaptées à chaque dossier, les trames de procès-verbaux de conciliation proposées par les CPH n’étant le plus souvent pas suffisantes à cet égard.

L’établissement d’un PV de conciliation nécessite par hypothèse une saisine du CPH, ce qui rend la date effective de l’accord tributaire des délais d’audiencement. Des solutions existent néanmoins, parfois proposées par les CPH eux-mêmes dès lors que l’ensemble des parties manifeste le souhait d’obtenir une date d’audience rapprochée aux seules fins d’entériner un accord déjà trouvé.

La médiation, la pratique en développement

Enfin, il convient de dire quelques mots d’une pratique qui tend à se développer : celle de la médiation, et notamment de la médiation judiciaire.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une forme d’accord mais d’un cadre destiné à favoriser une solution amiable dans un contentieux déjà engagé. Lorsqu’elles estiment que les caractéristiques du litige s’y prêtent, de plus en plus de cours d’appel proposent ainsi aux parties d’entrer dans un processus de médiation afin de donner une ultime chance à la discussion. L’entrée en médiation n’est jamais obligatoire ; elle nécessite l’accord de toutes les parties concernées. La mission du médiateur, désigné par la juridiction mais rémunéré par les parties, est habituellement de 3 mois, renouvelables.

En cas de succès de la médiation, l’accord est consigné dans un protocole transactionnel ou assimilé. Si la médiation n’aboutit pas, la juridiction en est informée, sans rien connaître des raisons de cet échec, et le procès reprend son cours.

Le taux de succès des médiations est proche de 70 %, ce qui montre l’intérêt de cet outil.

Si l’opportunité d’un accord doit évidemment toujours être appréciée au cas par cas, force est néanmoins de constater que la négociation a manifestement de beaux jours devant elle.