IRP

La France s’est fixé pour objectif de réduire avant 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport à 1990, avant d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 conformément aux engagements découlant de l’Accord de Paris. Pour élaborer la politique publique permettant d’atteindre ce premier palier dans un esprit de justice sociale, le gouvernement a fait appel à la participation directe et inédite de 150 Français dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat.

Le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » reprend les propositions issues de cette convention nécessitant une intervention législative. Adopté en 1ère lecture par l’Assemblée nationale le 4 mai dernier, il est en cours d’examen devant le Sénat.

Un renforcement du rôle du CSE dans le domaine de l’environnement

Dès sa présentation, le projet de loi a été décrié par les citoyens de la Convention, soulignant son manque d’ambition et la dénaturation de leurs propositions touchant des thèmes la vie quotidienne (se déplacer, consommer, se loger, produire et travailler, se nourrir). Un tel reproche ne peut être adressé à la transposition envisagée dans le code du travail de la proposition citoyenne (Proposition PT 4.2. : « créer une nouvelle gouvernance de la transition des emplois et compétences au niveau national et régional ») visant notamment à « renforcer le rôle du CSE dans la transition bas-carbone des produits et des processus de l’entreprise » au travers :

  • De la procédure de consultation sur les orientations stratégiques et la politique sociale,
  • D’une négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), obligatoire et annuelle.

La négociation sur la GPEC

Le CSE n’est pas, certes, l’interlocuteur naturel de l’entreprise pour négocier. Mais le projet de loi traduit l’esprit de la proposition en complétant les dispositions supplétives relatives à la négociation obligatoire sur la GPEC au niveau de la branche et de l’entreprise.

Il serait précisé que cette négociation répond notamment aux enjeux de la transition écologique. Ni le champ d’application de la négociation obligatoire (entreprises de 300 salariés et plus et groupes de 300 salariés et plus) ni sa périodicité (triennale sauf aménagement conventionnel) ne seraient modifiés.

Cette précision n’entraînerait pas de bouleversement majeur au regard de l’objet principal de la GPEC : anticiper les conséquences sur l’emploi de changements à venir. Elle permet surtout de faire prendre conscience des transformations exigées par la transition écologique et de leurs impacts (positifs et/ou négatifs) sur les activités de l’entreprise et ses emplois, et de l’intérêt de s’y préparer.

Par ailleurs, le projet de loi intègre pleinement le renforcement du rôle du CSE dans la transition écologique de l’entreprise.

De informations/consultations Concernées

De nombreuses informations/consultations spécifiques sur les conséquences environnementales des mesures.

Compte tenu des possibilités infinies offertes par l’obligation de consulter le CSE (dans les entreprises de 50 salariés et plus) sur les questions intéressant la marche générale de l’entreprise, la nécessité de légiférer était pourtant discutable. Un dialogue social intégrant les enjeux de la transition écologique existe d’ores et déjà : lorsque le projet envisagé inclut une telle dimension, au travers de commissions spécifiques mises en place dans certains accords de mise en place du CSE, de critères environnementaux retenus dans certains accords d’intéressement, …

Le gouvernement considère pourtant que le code du travail doit être modifié pour assurer l’effectivité du but recherché par la proposition citoyenne. Le CSE est érigé en acteur de la lutte contre le dérèglement climatique et à cette fin, des moyens spécifiques sont mis à sa disposition.

Compte tenu de la transversalité et de l’importance de ce sujet, la question de la transition écologique rejaillit sur toutes les consultations du CSE, qu’elles soient ponctuelles ou récurrentes. Selon le projet de loi, le comité devrait être informé et consulté spécifiquement sur les conséquences environnementales des mesures envisagées, lorsqu’il est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur :

  1. Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;
  2. La modification de son organisation économique ou juridique ;
  3. Les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ;
  4. L’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  5. Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l’aménagement des postes de travail.

Chaque consultation ponctuelle devrait donc traiter de l’impact environnemental du projet envisagé.

Cette approche transversale est également retenue pour les trois consultations récurrentes (sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière, la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi). Au cours de chacune de ces consultations, le comité devrait être informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Aucun aménagement conventionnel ne serait possible : cette disposition serait intégrée dans les dispositions d’ordre public.

De nouveaux moyens

En définitive, l’impact environnemental deviendrait omniprésent pour toute consultation du CSE, qui se verrait doté des moyens suivants issus du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture :

  • La BDES serait renommée « base de données économiques, sociales et environnementales ». A ce titre, elle serait enrichie d’un nouveau thème sur « les conséquences environnementales des activités de l’entreprise », obligatoire même en présence d’un aménagement conventionnel. Les informations à mettre à disposition dans ce cadre pourraient utilement être aménagées conventionnellement en fonction de l’activité de l’entreprise. A défaut, un décret définirait leur contenu.
  • La mission de l’expert-comptable auquel le CSE peut recourir pour chaque consultation récurrente serait élargie aux conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Pour chaque consultation récurrente, le texte adopté par l’Assemblée nationale précise que la mission de l’expert porte « sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental » nécessaires, selon le cas, à la compréhension des orientations stratégiques, de la situation financière, ou de la politique sociale. Le recours à un expert spécialisé dans le domaine environnemental n’a pas été retenu.
  • La formation économique des membres du CSE pourrait être étendue aux conséquences environnementales des activités des entreprises.

Une implication du CSE sans pouvoir contraignant

Les modifications envisagées du code du travail permettent de mesurer la contribution attendue des entreprises à l’effort collectif pour relever le défi climatique, participer à l’accélération de la transition écologique. Le CSE sera activement impliqué dans son rôle consultatif, sans pouvoir contraignant. Un amendement instaurant la faculté pour le CSE d’exiger de l’employeur un plan de transition écologique a fort heureusement été rejeté. 

Le renforcement des attributions du CSE s’inscrit également dans la définition de la société issue de la loi PACTE transcendant l’intérêt de ses associés, la recherche de profits. Aux termes de l’article 1833 du Code civil, la société est « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Le dirigeant doit prendre en considération ces enjeux (risques et opportunités) dans ses décisions de gestion et dans l’élaboration des orientations stratégiques de l’entreprise sur lesquelles le CSE est consulté.

A la différence d’autres mesures prévues par le projet de loi, les impacts vertueux des dispositions relatives au CSE en termes d’émission évitées ou compensées ne seront pas mesurables. Pourtant, les dirigeants et les DRH devraient, si le texte est adopté en l’état, intégrer et constater très rapidement les évolutions qu’il induit et se préparer à échanger avec le comité social, économique, et environnemental.