Rupture

Rediffusion de l’article publié le 2 mars 2021

L’employeur avait embauché en 1988 une assistante ressources humaines, laquelle était licenciée le 16 mars 2015 pour motif personnel. Seulement deux semaines plus tard, le 30 mars 2015, les parties signaient un protocole d’accord transactionnel, par lequel la salariée se voyait octroyer près de 40.000 euros en contrepartie d’une renonciation à toute réclamation portant tant sur l’exécution que sur la rupture du contrat de travail, dans des termes extrêmement larges.

Le litige qui s’en suivi est extrêmement classique : la salariée, dont le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence, saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de la contrepartie financière. L’employeur n’avait en effet pas expressément levé la clause de non-concurrence, considérant que le sort de celle-ci avait été réglé lors de la signature de la transaction.

Une décision de revirement ?

Dans une décision du 17 février 2021 (n°19-20635), la Cour de cassation annule l’arrêt d’appel qui avait accueilli la demande de la salariée. Elle considère que les parties avaient reconnues, dans le protocole, que les concessions étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, et qu’elles mettaient fin à tout différend. La transaction évoquait en effet en des termes extrêmement larges la renonciation à toute action de la part de la salariée, pour quelque motif que ce soit. Le juge en déduit donc que la salariée avait donc renoncé au droit de réclamer le paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence en signant le protocole transactionnel.

Cette décision, semble bien constituer un intéressant revirement, par rapport à une jurisprudence constante en sens inverse, (v. not. Cass. soc., 30 janvier 1996, n°92-42457, Cass. soc., 9 janvier 2008, n°06-45.984). Le juge considérait en effet de longue date que puisque la transaction se referme sur son objet, si celle-ci n’évoque pas le sort de la clause de non-concurrence, il ne peut être présumé que l’employeur avait souhaité la lever. Les demandes en paiement de la contrepartie financière d’anciens salariés ayant signé une transaction qui n’évoquait pas spécifiquement le sort de la clause de non-concurrence étaient donc accueillies. Dans le même sens, le juge estimait également que « les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf disposition expresse contraire, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d’un licenciement » (Cass. soc., 18 janvier 2012, n°10-14974).

Cette nouvelle décision semble s’inscrire dans un mouvement jurisprudentiel qui admet de plus en plus que la transaction éteint tous types de demandes et que les clauses rédigées en des termes généraux sont libératoires pour l’employeur (v. not. Cass. soc., 11 janvier 2017, n°15-20040).

De manière très pratique, on peut tirer deux enseignements de cette décision.

Rédaction de la transaction : rester vigilant

Le premier est qu’il faut être extrêmement vigilant lors de la rédaction des protocoles d’accord transactionnel. C’est ce qui a été déterminant dans la solution de l’arrêt ici. Le juge social s’attache régulièrement à rechercher l’intention des parties lorsqu’elles ont signé le protocole, comme l’y invitent les dispositions du Code civil, en particulier l’article 2049 qui prévoient que les transactions règlent : « les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ».A titre d’autre illustration, dans le cadre de contrôles URSSAF, le juge s’attache également à vérifier que, lorsqu’il y a une transaction après un licenciement pour faute grave, les parties ont bien voulu renoncer au préavis, pour déterminer si le montant y afférent doit être réintégré dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, comme le soutient l’URSSAF (v. not. Cass. civ. 2e, 23 janvier 2020, n°19-12225). En cas de doute, c’est certainement l’interprétation la plus favorable au salarié qui prévaudra. Il convient donc, de toujours adapter la rédaction du protocole à la situation d’espèce (à ce sujet, voir Matthieu Babin, « Vrai ou faux : une transaction bien rédigée me protège-t-elle de toute action ? »).

Le cas de la clause de non-concurrence

Le second enseignement est que, malgré cette nouvelle décision, il convient sans doute à l’avenir, lors de la rupture du contrat de travail, de continuer à vérifier systématiquement l’intégralité du contrat de travail (y comprisses avenants successifs) du collaborateur en question (au cas d’espèce, la salariée avait près de 30 ans d’ancienneté !), pour vérifier son contenu et notamment l’existence d’une clause de non-concurrence.

Dans l’attente de décisions confirmant cette nouvelle jurisprudence, la solution de prudence pourrait consister pour l’employeur à aborder spécifiquement la question de la clause de non-concurrence dans la lettre de licenciement, pour lever toute obligation qui pourrait exister si tel est son souhait, ou à évoquer expressément son sort au sein de la transaction éventuellement conclue.