Rupture

Le texte du projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » a été définitivement adopté par le Parlement le 17 novembre.

Remarque : le texte fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.

Parmi les mesures adoptées, on retiendra les suivantes :

Refus de CDI privant le salarié de droit à l’assurance chômage

Proposition de CDI à l’issue d’un CDD

Lorsque l’employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l’échéance du terme d’un CDD (ou l’entreprise utilisatrice à l’issue d’une mission de travail temporaire) sous la forme d’un CDI :

  • pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire,
  • assorti d’une rémunération au moins équivalente
  • pour une durée de travail équivalente,
  • relevant de la même classification
  • et sans changement du lieu de travail,

il notifie cette proposition par écrit au salarié.

Conséquences en cas de refus

En cas de refus du salarié, l’employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé (C. trav., art. L. 1243-11-1). S’il est constaté qu’un demandeur d’emploi a refusé à deux reprises, au cours des 12 mois précédents, une proposition de CDI dans ces conditions, le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne peut lui être ouvert que s’il a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période.

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi si celui-ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte (C. trav., art. L. 5422-1).

Autres dispositions relatives à l’assurance chômage (communiqué du Ministère du travail)

La loi adoptée par le Parlement permet de prolonger jusqu’au 31 décembre 2023 les règles d’indemnisation pour 3,5 millions de demandeurs d’emploi ayant droit à l’allocation-chômage. Il installe également dans la durée le dispositif du bonus-malus dans les sept secteurs les plus utilisateurs de contrats courts et améliore la lisibilité du calcul des taux modulés de bonus-malus en permettant aux entreprises d’accéder aux données sous-jacentes à ce calcul. Il favorise ainsi l’anticipation et la visibilité des entreprises sur ce dispositif pour leur permettre de rallonger leurs contrats et sécuriser davantage leurs salariés.

Par ailleurs, le projet de loi apporte une réponse aux difficultés de recrutement qui se sont intensifiées particulièrement depuis la fin de la crise sanitaire. Il permet au gouvernement, en étroite concertation avec les partenaires sociaux, d’introduire un nouveau mécanisme de modulation des paramètres de l’assurance-chômage en fonction de l’état du marché du travail. Le régime deviendra plus protecteur quand l’activité ralentit et plus incitatif au retour à l’emploi quand elle accélère et quand les tensions de recrutement augmentent.

Abandon de poste valant démission

Nouvelle présomption de démission

Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur (qui ne peut être inférieur à un minimum qui sera fixé par décret), est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Contestation

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine (C. trav., art. L. 1237-1-1).

Remarque : les auteurs de l’amendement n°388 ayant introduit cette mesure soulignent que « cette disposition ne s’appliquerait pas aux salariés qui quittent leur poste pour des raisons de santé ou sécurité conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur les abandons de poste. ».

CDD « multi-remplacements »

Création par la loi Avenir

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (L. n° 2018-771) avait prévu la possibilité, à titre expérimental, sur la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020, de conclure un seul CDD pour remplacer plusieurs salariés dans des secteurs qui devaient être définis par décret. Il pouvait s’agir du remplacement simultané de plusieurs salariés à temps partiel ou du remplacement successif de plusieurs salariés à temps plein ou partiel.

Le décret définissant les secteurs concernés n’ayant été publié que fin 2019 (décret n°2019-1388 du 18 décembre 2019), une prolongation de l’expérimentation avait été annoncée, mais n’était jusqu’à présent jamais intervenue. Elle a donc pris fin le 31 décembre 2020.

Relance de l’expérimentation

Le texte de la loi prévoit donc de « relancer » l’expérimentation, dans les mêmes termes qu’en 2018 :

  • Dans les secteurs définis par décret, un seul contrat à durée déterminée (ou un seul contrat de mission) peut être conclu pour remplacer plusieurs salariés ;
  • L’expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Pour mémoire, les secteurs d’activité définis par le décret de 2019 étaient : le sanitaire, social et médico-social, la propreté et nettoyage, l’économie sociale et solidaire, le tourisme en zone de montagne, le commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, la plasturgie, la restauration collective, le sport et équipements de loisirs, le transport routier et activités auxiliaires, les industries alimentaires ainsi que les services à la personne.

Durée

La durée de l’expérimentation est de 2 ans à compter de la publication du décret définissant les secteurs concernés.

Electorat aux élections professionnelles

Exclusion par la jurisprudence des salariés assimilés au chef d’entreprise

La jurisprudence de la Cour de cassation a complété, dans une interprétation ancienne et constante de sa chambre sociale, les conditions légales pour être électeur et élu aux élections professionnelles. Sont ainsi privés du droit de vote, et par conséquent de celui d’être élus, les salariés qui, « en raison des pouvoirs qu’ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d’entreprise » (Cass. soc., 1er avril 1997, n° 96-60.019), afin d’éviter de « placer les intéressés dans la position contradictoire de participer à la vie de telle ou telle institution ». Plus précisément, la jurisprudence exclut pour ce motif les salariés qui :

  • disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise,
  • ou représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233).

Les dispositions légales, ainsi interprétées, ont eu pour conséquence de priver, par le simple motif de disposer d’une délégation d’autorité ou d’un pouvoir de représentation, certains salariés de la faculté de participer aux élections professionnelles. Ils étaient par conséquent, exclus de l’application du principe de participation des travailleurs.

Censure du Conseil constitutionnel

Dans sa décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a donc censuré l’article L. 2314-18 du code du travail relatif aux conditions requises pour être électeur aux élections professionnelles. Au regard des conséquences qu’aurait emporté une abrogation immédiate des dispositions en question, le Conseil constitutionnel a différé les effets de sa décision dans le temps et reporté l’abrogation de l’article L. 2314-18 du code du travail au 1er novembre 2022.

Nouvelle rédaction du texte

La nouvelle rédaction inscrite dans le texte permet de garantir la participation de l’ensemble des salariés à ces élections, y compris ceux assimilés au chef d’entreprise. En revanche, conformément à une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, le texte confirme, par ailleurs, l’inéligibilité de ces derniers.

Ces dispositions seront rétroactivement applicables depuis le 31 octobre 2022.

Déplafonnement de la durée des missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un CDI intérimaire

Le texte supprime la durée maximale applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée intérimaire (C. trav., art. L. 1251-58-6).

Autres dispositions (communiqué du Ministère du travail)

Validation des acquis de l’expérience : Le texte permet une modernisation et une simplification du dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE) et la création d’un service public en ligne dédié à la reconnaissance des compétences acquises tout au long de la vie, notamment pour les proches-aidants ou les bénévoles.

Ratification de diverses ordonnances : Le projet de loi vise enfin à permettre au Parlement de ratifier 20 ordonnances prises pendant la période de la crise sanitaire, et portant diverses mesures relatives au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.