Rupture

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 16 avril dernier illustre la délicate conciliation des règles du droit commun avec la situation d’urgence dans laquelle se trouve une société en procédure collective (nécessitant une prise de décision rapide pour garantir son redressement).

LES FAITS DE L’ESPECE

Dans cette affaire, une entreprise placée en redressement judiciaire engage une procédure de licenciement économique prévoyant la suppression de 49 emplois. Dans le cadre de cette procédure, le Comité d’entreprise (ci-après « CE ») demande le recours à l’assistance d’un expert, désigné au cours d’une réunion le 22 février 2018.

Le CE rend ses deux avis au cours de la seconde réunion du 19 mars 2018, bien que l’expert ne lui ait pas remis son rapport. Le document unilatéral de l’employeur contenant le PSE est homologué par le Direccte le 20 mars 2018.

Le CE et la CGT ont alors saisi le juge administratif d’une demande d’annulation de cette décision d’homologation du PSE au motif que l’expert n’avait pas disposé des délais prévus par l’article L. 1233-30 II et l’article L. 1233-35 du code du travail pour rendre son rapport.

Le Tribunal administratif ayant rejeté leur demande, la CGT et le CE ont saisi la Cour administrative d’appel qui a cette fois annulé le jugement de première instance, ainsi que la décision d’homologation de la Direccte du 20 mars 2018 considérant que :

  • le délai résultant des dispositions de droit commun du Code du travail était applicable à la procédure d’information- consultation du CE dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi d’une société placée en redressement judiciaire ;
  • à la date à laquelle le CE avait rendu ses avis, soit le 19 mars 2018, l’expert n’avait pas disposé des délais de droit commun pour rendre son rapport.

L’APPORT DE LA REPONSE DU Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel le 16 avril 2021 considérant que :

«  ( …) il résulte des 3° et 4° du I de l’article L.1233-58 que le II de l’article L.1233-30, à l’exception de son dernier alinéa, et le second alinéa de l’article L.1233-35 ne sont pas applicables aux entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaires. Par suite, en jugeant que le délai résultant de ces dispositions était applicable à la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi de la société Bois Debout, placée en redressement judiciaire, alors qu’il lui appartenait de vérifier que l’expert avait disposé, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l’employeur, d’un délai suffisant pour exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, son arrêt doit être annulé. »

L’apport de cet arrêt est double puisque :

  1. le Conseil d’Etat réaffirme que les délais de procédure de droit commun prévus en matière de licenciement collectif pour motif économique sont adaptés par le Code du travail pour tenir compte de la situation spécifique des entreprises en procédure collective ;
  2. toutefois, le Conseil d’Etat précise que, en dépit de délais raccourcis, l’expert doit être en mesure de mener à bien sa mission, et il appartient aux instances chargées du contrôle la régularité de la procédure d’information – consultation du CE de s’assurer qu’il en a été ainsi.

« L’expert ne doit certes pas disposer des délais de droit commun prévu par le Code du travail mais il doit bénéficier d’un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause ».

Une seule réunion du CSE ne suffit donc pas lorsqu’un expert est désigné. Un délai raisonnable pour la consultation du CSE doit être aménagé, sans pour autant être contraints par les délais de droit commun.

Remarque :

Bien que rendu à l’égard d’un CE, la solution du Conseil d’Etat est parfaitement transposable à la procédure d’information-consultation du CSE.